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LA PARCELLE 32

Les autres ne firent point écho, mais Honoré surprit un rire muet sur les lèvres de Bernard. Éveline ne parut pas et, à quatre heures, ils mangèrent les restes de leur repas de midi.

Ensuite, l’orage menaçant de plus en plus, il fallut mettre en meules. Vers le soir, Mazureau s’en alla soigner les bêtes. Honoré et Bernard restèrent dans la plaine, où ils travaillèrent jusqu’à la nuit, de toutes leurs forces, sans une parole.

Quand ils eurent fini la dernière meule, l’orage éclata sur eux. Ils s’en revinrent trempés de sueur, trempés d’eau. Craignant pour sa poitrine, Honoré n’alla point manger la soupe à la Marnière, mais piqua droit sur la Commanderie, où il se mit au lit, exténué.

Le lendemain, il avait un peu la fièvre et toussait. La vieille servante le chambra étroitement. Comme elle ne comprenait rien aux obligations d’un sursitaire, ni, d’ailleurs, à aucune des choses nouvelles du temps de guerre, elle lui répéta cent fois que cette singulière manie de s’en aller journalier chez les autres était d’un imbécile, peut-être même d’un fou.

L’oncle Jules, délaissé, rôdait, à la recherche d’une bonne querelle. Pour prendre le vent contraire, il se plaça à côté de son neveu et lança son mot ; mais la vieille le ramena dans son camp, disant :

— De votre temps, vous n’étiez tout de même point si bête !

L’oncle s’éloigna, décontenancé et vieux, vieux, lamentablement. Honoré en eut pitié et le rappela pour lui remettre la tabatière pleine de tabac frais. Alors l’oncle oublia tout ; abandonnant les deux