coup pour lâcher son chien sur ce gars si riche avec lequel, plus tard, il lui faudrait encore partager les terres d’héritage. Il eût donné beaucoup pour le tenir à merci, pour le lapider en l’insultant. La jalousie le rongeait comme une petite bête ardente.
Tout à coup, il se retourna sur le banc.
— Ce n’est pas tout ça, fit-il ; combien donc avez-vous vendu votre veau ?
— Huit cents francs ! dit Mazureau d’un ton vainqueur.
Bernard frappa sur la table.
— Huit cents francs ! Cré nom ! Je le pensais bien… Vous vous êtes encore fait voler !
Le grand-père écarquilla les yeux.
— Tu veux plaisanter, je pense !
Mais non ! Bernard n’avait pas trop envie de plaisanter ! Il leva les bras, les laissa retomber d’un air découragé.
— C’est malheureux ! fit-il ; on a beau vous prévenir… vous n’écoutez jamais ce qu’on dit !
Le grand-père se défendit à peine.
— J’ai cru vendre au cours… Nous avions compté ; cela n’allait pas à huit cents !
D’un geste autoritaire, Bernard rasa la table comme pour renverser ces misérables objections.
— Je vous avais dit : méfiez-vous ! les prix montent… Huit cents francs, c’était le cours avant-dernier… Maintenant ! Ah bien non ! ce n’est plus ça !… Vous me faites rire quand vous me dites que vous avez vendu au cours !
Il se leva, alla prendre un journal sur la planche d’appui de la fenêtre. Il l’étala devant son grand-père et, frappant sur le papier de sa main ouverte :
— Les cours derniers, les voici ! dit-il. Veaux :