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LA PARCELLE 32

Je ne suis pas de ceux qui se torturent pour une pensée qui ne vient pas vers eux… Puisqu’il est mort, je comprendrais bien qu’il tînt une maîtresse place en votre souvenir…

— Il la tiendra, dit-elle, vous pouvez le croire ! Et moi je songe encore à mon chagrin et je veux y songer toujours.

— Vous êtes jeune ; vous avez toute votre vie devant vous pour être heureuse… Laissez passer le temps consolateur… Quand votre peine sera endormie, souvenez-vous bien que mon cœur n’a pas changé et que mon désir, malgré tout, reste le même.

Elle eut un geste d’agacement et lui s’excusa.

— Il faut pourtant bien que je vous dise cela, Éveline !

— Je ne vous le demandais tout de même point ! jeta-t-elle sur un ton de colère, et vous auriez mieux fait d’attendre.

À ce moment, une cloche lointaine sonna une agonie. Éveline tendit la main dans la direction de Quérelles d’où venait le bruit et elle dit, comme prise de déraison soudaine :

— Entendez-vous, Honoré ? C’est ma noce qui sonne ! Savez-vous bien que nous sommes au 4 juin. C’était le jour fixé par Maurice… Vous choisissez bien votre moment, Honoré ! Portez à d’autres vos chansons… C’est ma noce qui sonne ! C’est ma noce !…

Elle ajouta dans un sanglot :

— Elle n’est pas bien gaie !

Honoré ne lui parla pas davantage ce soir-là. Mais les jours suivants, il revint à la charge, doucement, tendrement, avec des précautions infinies et une patience méritoire.