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doigts. Éveline, accroupie, travaillait mal à l’aise, sentant Honoré derrière elle.

Au bout de son sillon, Mazureau appela Bernard et tous les deux s’en allèrent au village chercher la charrette pour la pâture du lendemain.

Éveline, sans tourner la tête, devina que le gars se hâtait et gagnait sur elle. Bientôt il fut à sa hauteur. Alors elle cessa de travailler pour lui laisser prendre de l’avance. Mais il s’attarda aussi et elle vit bien qu’il allait parler, qu’il allait dire ce qu’elle était bien résolue à ne pas entendre.

— Honoré, balbutia-t-elle, à travailler de front, on se gêne… Vous allez beaucoup plus vite que moi ; prenez donc les devants, je ferai mon possible pour vous suivre.

Il répondit, et sa parole à lui aussi, n’était guère assurée :

— Pour rester à côté de vous, je ferais votre tâche et la mienne… Je ferais tout, Éveline, pour rester à côté de vous.

— Je vous en prie, Honoré ! J’ai le cœur en deuil.

— Vous avez votre chagrin, mais j’ai eu le mien aussi… Je croyais à votre amitié… J’aurais tout donné pour l’avoir…, et vous l’aviez portée à un autre.

— Il a donné sa vie, lui, dit-elle ; n’espérez pas donner davantage !

Ils étaient tout près l’un de l’autre, leurs têtes se touchant presque. Les paroles d’Éveline tombèrent entre eux et les séparèrent.

Honoré reprit tout de même, au bout d’un petit moment, sans lever les yeux :

— J’ai eu mon chagrin moi aussi, mais je n’y veux plus songer. Je ne suis pas jaloux à ce point.