Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LA PARCELLE 32

toute leur vie à l’ombre, derrière leurs rideaux.

— Je ne suis cependant pas malade, père !

— Alors, c’est que tu as trop pleuré ; c’est assez maintenant. Il n’est pas bon de toujours regarder derrière soi ; porte les yeux en avant, Éveline, et tu renaîtras à la joie.

Elle secoua la tête, tristement. Alors, il dit sans montrer d’impatience, mais d’une voix nette :

— Je ne veux plus que tu restes ici à ruminer tes mauvaises pensées. À partir de demain, tu viendras avec nous dans la plaine. Tu feras ce que tu pourras… Quand tu seras fatiguée, tu te reposeras… Le soleil te donnera des couleurs et refera ton sang.

— C’est que j’ai de la besogne à la maison… plus que vous ne pensez, dit-elle.

— Tu viendras ! répéta-t-il simplement.

Éveline dut aller travailler aux champs.

Les femmes, dans la plaine, étaient plus nombreuses que les hommes. On en voyait de tous les côtés. La fourche en main, ou le râteau ou la houe, elles faisaient de leur mieux la besogne des absents. Quelques-unes, à qui la force ne manquait pas, menaient le travail devant des vieux et des chétifs, par gestes sûrs et essentiels comme eussent fait des travailleurs de grand rendement.

Il y en avait qui fauchaient, qui fanaient, qui sarclaient, d’autres conduisaient des bêtes ou poussaient l’areau.

En chemise, un simple jupon autour des hanches, les vieilles que le soleil n’effrayait plus, travaillaient tête nue. Les jeunes, pour se protéger le cou et le visage, avaient de larges chapeaux de jonc ou,