Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LA PARCELLE 32

Il fit quelques pas et sa main atteignit une Bible ancienne qui était sur une étagère. Sur la commode, devant Éveline, il plaça le livre énorme et noir, à couverture brisée.

— Autrefois, dit-il, au temps de ma jeunesse, on lisait la Bible dans toutes nos maisons… Nous n’avions ni journaux, ni almanachs, ni aucun autre livre. Chaque dimanche, le père ou, à son défaut, le chef de la famille, lisait une page et les autres écoutaient… Cette mode est passée en notre pays. Je pense que c’est un malheur des temps et je m’accuse moi-même de négligence coupable à cet égard… Il faudrait lire la Bible, Éveline. Tu apprendrais que les jeunes doivent prendre le pas des anciens et écouter leur parole. Sur ceux qui sont rebelles frappe la main de Dieu et leur vie se passe à pleurer comme tu fais en ce moment.

— Je ne suis pas une fille rebelle, dit Éveline, mais il ne faut pas me demander ce que je ne peux pas faire.

— Je sais mieux que toi ce que tu peux faire !… Je sais mieux que toi ce qui te convient !… Je connais le chemin de l’honneur où l’on marche en se redressant. Pour n’avoir pas voulu le suivre une première fois, tu es dolente aujourd’hui. Prends garde, ma fille !… Si tu retombes dans le même péché, tu seras frappée sans miséricorde.

Malgré lui, Mazureau s’animait. La voix montait avec son habituelle rudesse. Il fit un effort sur lui-même et continua, le plus doucement qu’il put :

— Je ne suis pas ici pour te gronder, Éveline. À coup sûr, nous nous entendrons bien. Pour le moment, c’est ta santé qui m’inquiète. Tu es pâle comme sont les femmes de ville qui passent