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LA PARCELLE 32

fatigue et du chagrin… Et moi, je souhaite te voir joyeuse et de corps vaillant.

— Je vous remercie père, dit-elle, mais je ne peux pas être joyeuse en ce moment.

Il répondit, d’un ton très conciliant :

— Non, tu ne peux pas être joyeuse… Tu as eu du chagrin, Éveline… Je l’ai respecté… Tu as mal pensé, mal agi, mais aujourd’hui ton cœur est suffisamment mortifié et je ne te reproche plus rien… Que cette leçon te serve, seulement, et te ramène en bon chemin.

— Mon chemin est tout tracé père… Je ne saurais m’en écarter. Je porterai le deuil…

Il l’interrompit de la voix et du geste :

— Ne parle pas à la légère comme une fille étourdie.

— Je ne parle pas à la légère. Je porterai le deuil de Maurice… Je le porterai toute ma vie.

Il fut un moment songeur, puis il reprit :

— Tu as mal agi, Éveline, je te l’ai déjà dit, en cherchant ton bonheur dans la mauvaise direction… Mais, encore une fois, je ne t’en fais plus reproche. Maurice est mort… et maintenant, si tu veux, je puis bien reconnaître qu’il est mort bravement comme ton frère et comme tant d’autres. Quoi qu’il ait été de son vivant, son nom, parmi nous, sera respecté.

Éveline regarda son père. Il parlait gravement, sans colère, sans passion.

— Je sais ce que l’on doit aux morts. Mais la raison veut que l’on songe aussi aux vivants… Je songe à toi, Éveline, à ton avenir… Je songe à Bernard…, je songe à ceux de mon sang qui seront sur la terre après moi…