Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
LA PARCELLE 32

sine ? Avance donc jusqu’à la Marnière… Tu es plus allante que moi.

Alors, Marie prenait sa quichenote, enlevait son tablier de travail et elle courait chez Éveline.

C’est qu’elle n’avait jamais connu un trouble pareil, la douce Marie ! Il ne lui était jamais rien arrivé ; il n’était jamais rien arrivé aux siens. Sa jeunesse avait passé sans joies, sans peines, sa pauvre jeunesse de fille laide mélancoliquement penchée sur les humbles travaux journaliers.

Et voici que, tout à coup, elle était mêlée à cette grande et douloureuse affaire d’amour…, mêlée beaucoup plus intimement qu’elle n’eût osé se l’avouer à elle-même.

Ah oui ! elle y courait chez Éveline, malgré son père et au risque de rencontrer Mazureau qui la regardait de travers et ne lui parlait pas.

— Éveline ! Éveline ! où es-tu, petite ?

Marie arrivait par le jardin, toute rouge de la montée rapide.

Éveline vint de la cuisine où elle cousait près de la fenêtre. Marie se dressa devant elle et, de sa mauvaise jambe, le bout du pied touchait à peine terre.

— Comment vas-tu aujourd’hui ? As-tu retrouvé le sommeil, enfin ?

Une main sur l’épaule d’Éveline, de l’autre, elle caressait la figure blanche aux grands yeux cernés.

— As-tu reposé, cette nuit, petite ? Je suis venue en passant prendre de tes nouvelles.

Éveline se pencha vers elle et l’embrassa.

— Je te remercie, dit-elle. Je me suis assoupie ce matin ; mon père a dû m’appeler deux fois.