Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LA PARCELLE 32

— Elle guérira, dit-elle un peu sèchement…, mais il faut que le temps passe. Vouloir la guérir en huit jours, c’est être un peu pressé !

Éveline eut une sorte de longue plainte.

— Je ne guérirai jamais ! Je ne veux pas guérir !

Honoré se recula un peu sur le banc. Son cœur se serra. Marie s’était tournée vers lui ; elle avait les yeux pleins de larmes, mais elle le regardait sans douceur et d’un air de méfiance.

— Voyez-vous, Honoré, il faut qu’elle pleure…, il faut la laisser pleurer tout à son aise… Elle a une grosse peine ; cela ne regarde pas les gens.

Il ne sut que balbutier.

— Vous avez bien raison !

Alors elle se mit à parler, à parler…

— Celui qui est mort là-bas, tout le monde l’aimait… Il était brave, il était jeune et il était beau… C’était Éveline qu’il avait choisie ; elle avait eu cette chance. Là-bas, quand on l’a mis en terre, il n’y avait personne peut-être pour le pleurer. Est-ce qu’on l’a mis en terre seulement ?… Je ne sais pas, moi, je ne sais pas comment ils font… C’est une chose horrible !… Il faut bien pleurer ! Si elle ne pleurait pas, Éveline, je ne la regarderais plus jamais, jamais !… Je pleure bien, moi ! et je n’étais cependant rien pour lui !

— Vous avez bien raison, répéta Honoré.

Il s’était levé, avait pris son pain.

— Il faut que je m’en aille, dit-il. Bonsoir, Marie ! Bon courage, Éveline !

Il sortit par le jardin et traversa le village. La nuit n’était pas encore tout à fait venue ; cependant de nombreuses étoiles s’allumaient déjà. Autrefois par ces longs crépuscules de mai, les