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LA PARCELLE 32

Bernard s’était replongé dans son journal ; il hocha la tête et, joyeusement :

— Voilà encore les veaux qui enchérissent ! Et les bœufs aussi ! Et les porcs ! Et les porcs !… Ils en font du chemin, les porcs !

— Il renseigne bien, ton journal ?

— Il dit tout. Je l’achète chaque dimanche à cause de cela…, tenez, voyez ! il y a tous les marchés, tous les cours… Ça, c’est le prix des fourrages… ici, les grains…, et puis voici les bêtes…, les bœufs, c’est poids net ; les porcs, c’est poids vif… Il y a la première, la deuxième et la troisième qualité… Là, ce sont les invendus ; quelquefois il n’y en a pas du tout.

Honoré crut pouvoir remarquer :

— D’après ce que j’entends, ce ne sont pas les nouvelles de la guerre que tu lis les premières.

Bernard répliqua aigrement :

— Je suis ici, moi, je ne suis pas à la guerre ! Je travaille à la culture, c’est ma place…, personne ne peut rien me dire… Si j’étais en âge, je serais parti… Je ne voudrais pas rester au pays, si j’étais en âge… Non, par exemple !

Honoré sourit avec amertume. D’un geste machinal il caressa le chien ; la bête gronda, les yeux allumés et, d’un brusque coup de tête, lui heurta la main de ses crocs.

— II n’aime pas qu’on le flatte ! dit Bernard en attirant le chien entre ses genoux, d’un geste protecteur.

— Je suis en pays d’amitié ! pensa Honoré.

Pourtant, il ne s’éloigna point tout de suite. Par de longs détours, il finit par amener la conversation où il voulait ; il parla d’Éveline.