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LA PARCELLE 32

Les bruits des hommes ne s’entendaient pas ; seuls, des cris d’oiseaux et des crissements d’insectes trouaient, la sourde rumeur végétale épandue en glissants murmures.

Honoré se rassérénait.

S’il avait peu de joies, au moins, il ne connaissait pas les grandes peines atroces. Par cette claire matinée, il pouvait laisser nonchalamment couler les heures… Rien ne le heurterait, son corps ne souffrirait pas…, tandis que d’autres, là-bas, mouraient par milliers.

Il essaya de se représenter l’infernale bataille. Mais il n’avait en sa mémoire que des visions douces et médiocres et il n’arrivait pas à concevoir cette tumultueuse horreur dont haletaient les hommes.

Il songea à ce Maurice qui était maintenant couché quelque part dans les terres d’épouvante, la poitrine trouée…, à ce gars robuste aux yeux flambants dont l’amour avait tenu le cœur d’Éveline en esclavage.

Honoré n’éprouvait pas de jalousie, mais bien plutôt une obscure joie égoïste, la joie d’être vivant, lui chétif, de sentir la douceur du soleil sur ses yeux et, dans ses artères, le bondissement léger du sang.

Tant de jeunes hommes l’avaient méprisé pour sa triste allure, pour ses membres grêles et son regard timide ! Il se rappelait les moqueries cruelles des camarades de son âge… Jamais il n’avait osé prendre part avec eux aux divertissement de jeunesse…

Il goûtait à présent une amère revanche : il l’emportait sur des morts.

Quand il avait vu, huit jours auparavant, Éve-