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LA PARCELLE 32

— Entendu ! dit Honoré.

Gagnant vivement la porte, il s’évada.

— Il faut que j’aille chercher la cousine de Montverger, quatre sous de tabac, mon droit…, et aussi une corde pour me pendre, murmurait-il en traversant la cour.

Derrière lui, dans la maison, la discussion avait recommencé. Les deux vieux, au moins, savaient comment passer leur journée ! La dispute entretenait leur santé et comblait les heures.

Sur la route, Honoré hésita. Que faire ? Où aller ? La ville était à deux lieues ; d’ailleurs un sursitaire ne pouvait, même le dimanche, quitter sa commune sans autorisation. Il fallait donc rester au village ; mais, à Fougeray, il n’y avait que des vieux grognons et des femmes qui regardaient Honoré de travers en songeant à ceux qui se battaient…

Le seul refuge était la plaine. Honoré coupa à travers champs. Le temps était lumineux et doux ; quelques nuages flottaient, très blancs, avec des franges transparentes. Il n’y avait pas de vent, mais seulement quelques souffles errants qui passaient sans appuyer.

Honoré alla s’asseoir derrière un mur face au soleil. Devant lui, s’étendait une luzerne magnifique, haute et compacte comme un fourré. Plongeant des hauteurs bleues, de minces martinets filaient d’un vol rasant et rayaient de leurs ailes aiguës la sombre nappe unie, faite d’innombrables petites feuilles, ouvertes comme des mains sous l’amitié du soleil.

Des odeurs légères et inépuisables montaient de cette jeune verdure.