votre pauvre fils a bien vendu… Neuf cent soixante-quinze francs pour un méchant bout de clos d’une boisselée…
— Monsieur Boureau, c’est la terre de chez nous qui s’en va…
— D’accord ! mais c’est de bel argent qui rentre !
— Je ne blâme personne, reprit le paysan. Mon fils n’aimait pas la culture ; il est parti et petit à petit, il a vendu ce qui lui revenait de ma défunte. C’était son droit… Cet argent que vous me donnez, c’est le prix de la dernière boisselée ; maintenant il ne reste plus rien. Ma bru est à la ville ; elle parle de prendre un petit commerce… Je n’ai rien à dire à cela.
— C’est à Verdun qu’il est tombé, votre fils ?
— C’est à Verdun…, huit jours après cette dernière vente.
Le notaire passa la main sur son front.
— Le mien aussi y est resté ; mais c’était bien avant ; il y a trois ans déjà.
Ils furent un moment silencieux et puis le notaire se raidit.
— Nous, les vieux, il faut travailler ; c’est notre lot… Cela marche, votre culture, Mazureau ?
— Il ne faut pas se plaindre… Mais les bras manquent ; je suis tout seul avec ma fille…
L’enfant s’agita sur sa chaise.
— Avec ma fille et avec celui-ci… Il est chez moi depuis le commencement de la guerre.
— Évidemment, ce n’est pas encore un grand laboureur.
Le grand-père eut une flamme d’orgueil dans les yeux.