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LA PARCELLE 32

sent, cette question du pain revenait aux lèvres radoteuses.

Au village, personne ne manquait de pain malgré le rationnement. Le boulanger, certes, pesait plus chichement qu’à l’habitude son mauvais pain gris, mais il y avait, chez ceux qui boulangeaient eux-mêmes, de belles fournées clandestines destinées aux voisins.

À la Commanderie, à cause des deux anciens qui n’avaient pas été comptés parmi les travailleurs, la ration de pain de boulanger était assez mince ; suffisante cependant, car la servante ne prenait guère que du lait. Mais la vieille prétendait disposer de sa part complète pour la faire manger à ses poules. S’étant avisée aussi que, par le jeu des lois, la miche de boulanger se trouvait moins chère que le blé, qui était moins cher que le maïs, qui était moins cher que l’avoine, elle avait fini par trancher aussi dans la part de l’oncle et dans celle d’Honoré. Si bien que le pain manquait constamment.

Pour accroître la ration de ses bêtes, la vieille était allée réclamer une part complète à la mairie. Le bonhomme maire — un contemporain pourtant — l’avait mal reçue ; comme elle insistait, il avait cogné sur la table.

— Si tu n’as pas de pain, mange de la fripe !

Maintenant, chaque jour, elle harcelait Honoré pour qu’il fit une réclamation ; et elle rappelait cruellement à l’oncle Jules — ancien conseiller municipal — qu’il aurait pu être maire s’il avait été plus capable de comprendre les affaires.

— Si vous voulez du pain, réclamez votre droit ! répétait-elle.