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LA PARCELLE 32

Il ajouta, directement :

— Si vous pouviez seulement, une fois dans votre vie, mettre la table à peu près comme il faut…

— Qu’est-ce que vous dites ? clama la vieille sourde.

— Je dis que je n’ai pas de pain !

— Du pain ?

— Oui, du pain ! vous entendez bien quand vous voulez, oreille du diable ! Du pain ! du pain !

La vieille se redressa sur sa canne et, d’une voix triomphante :

— Il n’y en a pas une miette !

Honoré, cependant, apportait un petit morceau de miche qu’il venait d’enlever au coq. L’ayant un peu paré et épluché, il le posa devant l’oncle qui fit la grimace. Mais la servante jeta les haut cris :

— C’est pour mes poules, ça ! C’est le reste aux poules ! Vous n’êtes pas dégoûtés de manger le reste aux poules !

Entendant cela, l’oncle s’empressa de déclarer que ce bout de miche valait du gâteau, qu’il était tendre et sentait la belle farine de froment, que lui, Jules Bertaut, voudrait en avoir comme ça jusqu’à son dernier jour. Et il se mit à mordre à même au risque d’y laisser ses dernières dents.

Honoré ayant trouvé une pomme de terre froide achevait de déjeuner ; et il ne souriait pas beaucoup.

La servante s’en prit à lui.

— À qui la faute si nous n’avons pas de pain ? As-tu réclamé tes droits à la mairie ? Pour se laisser voler, il n’y en a pas comme toi !

Honoré haussa les épaules ; chaque jour, à pré-