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LA PARCELLE 32

une fois, il fut tout de suite dégrisé et maître de ses paroles.

— Vous savez parler net, dit-il, quand vous le voulez… Moi, de mon côté, je ne suis plus à l’âge où l’on se laisse endormir par les berceuses des coquettes.

— Vous êtes à l’âge où l’on marchande ! dit-elle vivement.

— Vous êtes méchante, ce soir, Éveline !… Vous savez bien que, lorsque je vous ai priée d’amour, je n’avais pas l’air d’un homme qui propose un marché.

Elle répondit avec un peu d’humeur :

— Non ! avec moi, vous n’avez pas trop marchandé, mais vous ne faites que cela avec mon père. Tout à l’heure encore je vous ai entendus discuter tous les deux.

Elle avait interrompu son travail et ils se tenaient l’un devant l’autre, les bras ballants comme deux adversaires qui se surveillent.

— Vous me détestez ! dit-il ; vous avez attendu longtemps avant de me le faire comprendre.

Elle répondit :

— Non ! je ne vous déteste pas ! Je n’ai aucune raison de vous détester ! Et si vous ne m’aviez demandé que de l’amitié, je vous en aurais donné, à vous comme à d’autres… Mais vous m’avez demandé davantage et il n’est pas en mon pouvoir de vous satisfaire.

Honoré sourit amèrement.

— À tant marchander, comme vous dites, j’ai laissé passer la belle occasion. Je suis venu trop tard ou bien il s’en est trouvé un pour lancer la folle enchère…