Page:Perochon - La Parcelle 32.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LA PARCELLE 32

est beau, il est jeune, il t’aime… Moi, s’il s’était trouvé quelqu’un qui m’eût aimée…

Elle s’arrêta et devint très rouge. Et puis elle se mit à parler d’autre chose en rassemblant son linge. Elle était venue à ce lavoir en cachette ou, du moins, sans prévenir personne chez elle ; il ne fallait pas qu’elle s’attardât plus longtemps. Elle s’en alla donc après avoir embrassé Éveline.

Celle-ci, d’ailleurs, eut bientôt terminé son travail. Elle commençait à entasser son linge pour remonter à la maison quand elle aperçut Bernard qui descendait le raidillon. Il venait souvent ainsi la chercher au lavoir afin de l’aider à pousser sa brouette. Fort peu complaisant à l’ordinaire, il se mettait cependant en avant pour les besognes de ce genre, car il aimait paraître grand garçon et montrer sa force.

— Êtes-vous donc déjà rentrés ? lui demanda Éveline.

— Moi, oui ! je suis rentré, tu le vois bien…, eux, ils sont encore à bavarder.

— Votre travail est-il fini ?

— Fini ! Au train dont nous allons, je ne sais pas si nous le finirons… Quand le « monsieur » est là, tout se passe en paroles… Et moi, je les gêne ; ils m’envoient faire un petit tour…

Éveline ne put s’empêcher de sourire et elle dit pour le taquiner un peu :

— Tu es trop jeune pour savoir tout ce que disent les grandes personnes.

Il haussa les épaules.

— Trop jeune ! Je le sais pourtant bien, ce qu’ils disent !… C’est de toi qu’ils parlent…, si tu ne le savais pas, je peux te l’apprendre.