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LA PARCELLE 32

dis-moi la réponse qu’il t’a faite. De mon côté, je vais lui écrire et, oubliant l’affront que j’ai subi, je lui écrirai honnêtement, pour l’amour de toi.

Marie poussait sa besogne. Quand elle vit Éveline replier sa lettre, elle demanda :

— Eh bien ? est-il au combat ?

— Pas encore ! répondit Éveline ; il ne compte pas y être avant quelques jours… Mais on ne sait jamais !

Elle ajouta d’une voix timide et émue :

— Il dit que tu seras près de moi si j’ai besoin d’aide ; je t’en remercie du fond du cœur.

— N’es-tu pas ma seule parente ? répondit Marie ; si je t’abandonnais comme une étrangère, je n’aurais plus personne. Je n’ai pas de sœur, et les filles de mon âge, les voici toutes mariées…

Elle continua, avec un sourire un peu forcé :

— Je n’ai pas de galant comme toi…, et je n’en aurai jamais… Ce serait à moi de te remercier, car il faut bien s’attacher à quelqu’un… Si tu t’éloignais de moi, mon cœur serait en déshérence.

Agenouillées côte à côte, elles se regardèrent, les yeux émus. Elles étaient de visages différents, mais de cœurs semblables, défaillants et tendres. La plus jeune, étant au plus chaud de la vie, frémissait d’un merveilleux émoi ; l’aînée, vaincue sans avoir lutté, l’aînée d’apparence calme et résignée, s’animait pourtant à ce tiède contact.

Sur l’épaule de Marie, Éveline passa son bras frais et, reprenant sa lettre, elle en lut à mi-voix quelques phrases charmeuses.

Son humble visage levé, la vieille fille écoutait, blottie ; un à un les mots d’amour tombaient avec une douceur mystérieuse sur son âme épanouie.