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d’ailleurs très-habile dans toutes les autres parties de la Peinture. Si le Pouſſin avoit vû la nature par les yeux du Titien ou de Rubens, ſon coloris n’auroit pas été ſi foible ; c’eſt la ſeule bonne raiſon qui puiſſe excuſer le Pouſſin, & tous ceux qui, comme lui, donnent leurs ſoins & leur attention, pour ſe rendre parfaits dans cet art ſi difficile.

Le terme couleur ſe prend en différens ſens dans la Peinture, ſoit relativement aux couleurs que le Peintre employe, ſoit quant à la couleur générale du tableau, ou à celle qui eſt particuliere à chaque objet naturel, ou imité d’après la nature.

Comme le Peintre eſt obligé de conſidérer deux ſortes d’objets, le naturel ou celui qui eſt véritable, & l’artificiel ou celui qu’il veut peindre, il doit auſſi conſidérer deux ſortes de couleurs ; la naturelle & l’artificielle, qui prend ſon nom de ce que c’eſt par le ſeul artifice du mêlange des couleurs de la palette, qu’on peut parvenir à imiter la couleur des objets naturels.

Pour cet effet, il faut avoir une parfaite connoiſſance de ces deux ſortes de couleurs ; obſerver de plus que dans la couleur naturelle, il y a la couleur réfléchie, & la couleur de la lumiere ; & parmi les couleurs dont il fera uſage, il doit connoître celles qui ont amitié enſemble, pour ainſi dire, & celles qui ont antipathie ; ſçavoir, leurs valeurs priſes ſéparément & par comparaiſon des unes aux autres. Il faut encore que le Peintre ſe forme le goût, pour être en état de choiſir dans la nature ce qu’elle a de beau & de bon à imiter, ſelon les régles de ſon art ; car toutes les couleurs qui ſe préſentent indifférement, ne ſont pas propres à produire un effet avantageux. Il doit donc choiſir celles qui conviennent à la beauté de l’ouvrage qu’il ſe propoſe. Il ſongera non ſeulement à rendre ſes objets en particulier beaux, naturels & ſéduiſans ; mais il aura de plus une attention ſcrupuleuſe pour l’union de tout enſemble, tantôt en diminuant de la vivacité du naturel, & tantôt en enchériſſant ſur l’éclat, en exagerant même la force des couleurs qu’il y trouve. Un habile Peintre n’eſt pas l’eſclave de la na-