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du manque de génie dans l’Artiſte, ou de ſon peu d’attention pour les régles que nous avons détaillées, ou enfin des qualités oppoſées.

Dans le ſens favorable, on appelle une compoſition riche, celle où la fécondité, le goût & la belle ordonnance ſe font voir & ſentir. La multitude des figures ne conſtitue pas la vraie richeſſe : une compoſition n’eſt proprement riche que quand elle excite en nous beaucoup d’idées ; & elle peut le faire avec une ſeule ou peu de figures. Le tableau du Pouſſin, repréſentant le déluge, que l’on voit au Palais du Luxembourg, réveille toutes les idées de ce déſaſtre arrivé à la nature humaine : on y voit le trouble, la déſolation, la deſtruction preſqu’entière du genre humain ; on ſe ſent ſaiſi d’effroi, de crainte & d’horreur à ſon aſpect ; la mélancolie s’empare de l’ame, & on s’en éloigne, comme ſi ces torrens rouloient leurs eaux avec fureur pour nous engloutir. À peine y voit-on cependant deux ou trois figures qui font tous leurs efforts pour r’échapper au péril qui les menace.

Une belle compoſition eſt celle où chaque objet eſt bien à ſa place, où les groupes ſont bien contraſtés, de même que les figures, & qu’elles expriment bien par leurs attitudes, leurs airs de tête & leurs caractères, l’action que le Peintre s’eſt propoſé de mettre devant les yeux. L’élégance d’une compoſition conſiſte dans le bon goût qui a préſidé à la diſpoſition des objets du tableau.

On appelle compoſition chargée, celle où les objets ſont trop multipliés. La diſette, au contraire, d’objets, rend la compoſition maigre ; les attitudes forcées, les mouvemens & les formes hors de la nature, les diſpoſitions contre le vrai de l’Hiſtoire, & les poſitions des objets hors du vrai-ſemblable, relatif au fait, font les compoſitions extravagantes. Lorſque les caractères des paſſions & des airs de têtes ſont exagerés, & pêchent par excès, les compoſitions ſont forcées : elles ſont froides, quand les figures manquent de caracteres, de paſſions & de vie. La figure principale eſt-elle éteinte, perdue dans la foule des autres, ſoit par ſa poſition mal choiſie, ſoit par les incidens qui l’éclipſent, ſoit parce que les autres figures ſont plus ſenſi-