Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
COCO

tion des groupes particuliers, dont les plus foibles cedent aux plus forts, concourent à n’en faire qu’un, que le Titien appelloit la grappe de raiſin. V. Clair-obscur.

Les couleurs ne concourent pas moins à la beauté d’un tableau, que les maſſes. La principale figure devant être en général la plus viſible ou la plus frappante, ſes couleurs dominantes ſeront répandues ſur le tout, & donneront le ton au reſte des groupes & du tableau ; car il faut une ſubordination des parties au tout, & des parties à d’autres plus principales, qui doivent auſſi ſe faire diſtinguer, & être traitées à proportion plus fiérement, qu’elles doivent être plus ſenſibles. Si la Peinture eſt ſœur de la Poëſie, elle ne l’eſt pas moins du la Muſique. Un tableau doit faire ſur l’œil, l’effet d’un concert ſur l’oreille : ſi on introduit dans celui-ci un inſtrument trop bruyant, ou diſcordant, l’harmonie eſt rompue, l’agréable repos ne s’y trouve plus, & l’on ſe ſent étourdi, loin d’en être flatté. Une partie trop éclatante & trop forte dans un tableau, produiroit un effet auſſi déſagréable ; on aime à ſe promener d’objets en objets, de groupes en groupes, par ordre & avec plaiſir.

L’éclat des couleurs n’eſt pas toujours le plus ſûr moyen de faire diſtinguer la figure principale ; le Peintre peut le faire, & le doit même, lorſqu’il ſe trouve dans la néceſſité de la mettre dans une place peu favorable ; c’eſt alors qu’il faut attirer la vûe & réveiller l’attention par la couleur vive de ſa draperie, ou d’une partie ſeulement, ou par le fond ſur lequel cette figure eſt peinte, ou par quelqu’autre artifice : mais la force & l’éclat ſont inutiles où la place de la figure principale la rend aſſez viſible & aſſez diſtinguée ; ce ſeroit cependant un défaut impardonnable que de l’éteindre par l’éclat des figures voiſines, & de la perdre ainſi dans la foule. Un tableau de l’Albane repréſente Jeſus-Chriſt dans l’éloignement, qui s’approche de ſes Diſciples placés ſur le devant du tableau ; quelque petite que ſoit la figure de Jeſus-Chriſt, elle s’y trouve cependant la plus apparente, parce que le Peintre a eu l’adreſſe de la placer ſur une éminence, & de la peindre ſur la partie la