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Parquoy a droict l’on me peult reprocher,
Que plus l’ay veu, & moins l’ay sceu congnoistre.


Le Corps ravy, l’Ame s’en esmerveille
Du grand plaisir, qui me vient entamer,
Me ravissant d’Amour, qui tout esveille
Par ce seul bien, qui le faict Dieu nommer.
Mais si tu veulx son pouvoir consommer :
Fault que par tout tu perdes celle envie :
Tu le verras de ses traictz se assommer,
Et aux Amantz accroissement de vie.


L’heur de mon mal, enflammant le desir,
Fit distiller deux cueurs en un debvoir :
Dont l’un est vif pour le doulx desplaisir,
Qui faict que Mort tient lautre en son pouvoir.
Dieu aveuglé, tu nous as faict avoir
Du bien le mal en effect honnorable :
Fais donc aussi que nous puissions avoir
En noz espritz contentement durable !


Le grand desir du plaisir admirable
Se doit nourrir par un contentement
De souhaicter chose tant agreable,
Que tout esprit peult ravir doulcement.