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la guerre des boutons


comme des lièvres qui écoutent la chasse, l’œil rond et les cheveux hérissés…

— Entends-tu ? entendez-vous ?

— Ils les éreintent ! Pourquoi ?

— Bacaillé !… fit Grangibus, c’est à cause de Bacaillé, je parierais ! Oui, il est rentré tout à l’heure au village, peut-être tel qu’on l’avait laissé, avec ses habits pleins de merde et il a dû recafarder !

— Peut-être qu’il a tout raconté, le salaud !

— Alors, nous aussi, quand les vieux le sauront, on va recevoir la danse !

— S’il n’a pas dit nos noms et qu’on en parle chez nous, on dira qu’on n’y était pas.

— Écoute ! écoute !…

Une bordée de sanglots et de râles et de cris et d’injures et de menaces s’évadait de chaque maison, montait, se mêlait, emplissait la rue pour une effarante cacophonie, un sabbat infernal, un vrai concert de damnés.

Toute l’armée de Longeverne, du général au plus humble soldat, du plus grand au plus petit, du plus malin au moins dégourdi, tous recevaient la pile et les paternels y allaient sans se retenir (la question d’argent ayant été évoquée), à grands coups de poings et de pieds, de souliers et de sabots, de martinets et de triques ; et les mères s’en mêlaient elles aussi, farouches, impitoyables sur les questions de gros sous, tandis que les sœurs, navrées et