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la guerre des boutons


rétréci d’année en année par les pousses vigoureuses du taillis envahissant qui obligeait à se courber ou à se baisser pour éviter la gifle sèche d’une ramille défeuillée.

Des corbeaux, qui rentraient en forêt à l’appel d’un vétéran, tournoyaient en croassant au-dessus de leur groupe…

— On dit que c’est des oiseaux qui portent malheur tout comme les chouettes qui chantent la nuit annoncent une mort dans la maison. Crois-tu que c’est vrai, toi, Lebrac ? demanda Camus.

— Peuh ! fit le général, c’est des histoires de vieille femme. S’il arrivait un malheur chaque fois qu’on voit un « cro », on ne pourrait plus vivre sur la terre ; mon père dit toujours que ces corbeaux-là sont moins à craindre que ceusses qui n’ont point d’ailes. Faut toucher du fer quand on en voit un de ceux-là, pour détourner la malchance.

— C’est-il vrai qu’ils vivent cent ans ces bêtes-là ? Je voudrais bien être que d’eux : ils voient du pays et ils ne vont pas en classe, envia Tintin.

— Mon vieux, reprit La Crique, pour savoir s’ils vivent si longtemps, et ça se peut bien, il faudrait être là et en marquer un au nid. Seulement quand on vient au monde on n’a pas toujours un corbeau sous la main et puis on n’y pense guère, tu sais, sans compter qu’il n’y a pas beaucoup de types qui viennent à cet âge-là.