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la guerre des boutons


revenaient, c’était là qu’il fallait frapper, il le sentait bien, c’était par là qu’il les atteindrait au vif.

Mais comment, comment ? voilà !…

Après tout, il avait le temps : l’occasion s’offrirait peut-être toute seule.

Le jeudi suivant, de bon matin, le père de Bacaillé accompagné de son fils partit à la foire à Baume. Sur le devant de la voiture à planches à laquelle on avait attelé Bichette, la vieille jument, ils s’installèrent sur une botte de paille disposée en travers ; en arrière sur une litière fraîche, tout le corps dans un sac serré en coulisse autour de son cou, un petit veau de six semaines montrait sa tête étonnée. Le père Bacaillé, qui l’avait vendu au boucher de Baume, profitait de l’occasion qu’offrait la foire pour le conduire à son acquéreur. Comme c’était jeudi et qu’il devait toucher de l’argent, il emmenait son fils avec lui.

Bacaillé était joyeux. Ces bonheurs-là n’arrivaient pas souvent. Il évoquait d’avance toutes les jouissances de la journée : il dînerait à l’auberge, boirait du vin, des petits verres ou des sirops dans le gobelet de son père, il achèterait des pains d’épices, un sifflet, et il se rengorgeait encore en pensant que ses camarades, ses ennemis, enviaient certainement son sort.

Ce jour-là il y eut entre Longeverne et Velrans une bataille terrible. On ne fit, il est vrai, pas de