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la guerre des boutons


Et l’on mangea lentement, sans pain, par petites portions égales, épuisant le suc, pompant par chaque papille, arrêtant au passage le morceau délayé, noyé, submergé dans un flux de salive pour le ramener encore sous la langue, le remastiquer de nouveau et ne le laisser filer enfin qu’à regret.

Et cela finit ainsi religieusement. Ensuite Guerreuillas confessa qu’en effet c’était rudement bon, mais qu’il n’y en avait guère !

Les bonbons étaient pour le dessert et la réglisse pour ronger en s’en retournant. Restaient les pommes et le chocolat.

– Voui, mais va-t-on pas boire bientôt ? réclama Boulot.

– Il y a l’arrosoir, répondit Grangibus, facétieux.

– Tout à l’heure, régla Lebrac, le vin et la gniaule c’est pour la fin, pour le cigare.

– Au chocolat, maintenant !

Chacun eut sa part, les uns en deux morceaux, les autres en un seul. C’était le plat de résistance, on le mangea avec le pain ; toutefois, quelques-uns, des raffinés, sans doute, préférèrent manger leur pain sec d’abord et le chocolat ensuite. Les dents croquaient et mastiquaient, les yeux pétillaient. La flamme du foyer, ravivée par une brassée de brandes, enluminait les joues et rougissait les lèvres. On parlait des batailles passées, des combats futurs, des conquêtes prochaines, et les bras