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la guerre des boutons


provisions de bois. À dix pas de là, sous un abri de roc, on eut vite fait de monter trois murailles laissant du côté de la bise un trou libre et entre lesquelles on pouvait faire tenir plus de deux stères de quartelage. On fit trois tas distincts : du gros, du moyen, du fin. Comme ça, on était paré, on pouvait attendre et narguer les mauvais jours.

Le lendemain, l’œuvre fut parachevée. Lebrac avait apporté des suppléments illustrés du « Petit Parisien » et du « Petit Journal », La Crique de vieux calendriers, d’autres des images diverses. Le président Félix Faure regardait de son air fat et niais l’histoire de Barbe Bleue. Une rentière égorgée faisait face à un suicide de cheval enjambant un parapet, et un vieux Gambetta, déniché, est-il besoin de le dire, par Gambette, fixait étrangement de son puissant œil de borgne une jolie fille décolletée, la cigarette aux lèvres et qui ne fumait, affirmait la légende, que du Nil ou du Riz la +, à moins que ce ne fût du Job[1].

C’était chatoyant et gai ; les couleurs crues s’harmonisaient à la sauvagerie de ce cadre dans lequel la Joconde apâlie, et si lointaine maintenant sans doute, eût été tout à fait déplacée.

Un bout de balai, chipé parmi les vieux qui ne

  1. J’espère bien que ces trois maisons, reconnaissantes de la réclame que je leur fais ici, vont m’envoyer chacune une caisse de leur meilleur produit. (Note de l’auteur.)