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la guerre des boutons


fait de planches et de clous, recommanda le chef ; tâchez d’apporter vos provisions derrière le mur ou dans la haie du chemin de la Saute : on reprendra tout, demain, en venant à la besogne.

Ils s’endormirent fort tard, ce soir-là. Le palais, la forteresse, le temple, la cabane hantaient leur cerveau en ébullition. Leurs imaginations vagabondaient, leurs têtes bourdonnaient, leurs yeux fixaient le noir, les bras s’énervaient, les jambes gigotaient, les doigts de pieds s’agitaient. Qu’il leur tardait de voir poindre l’aurore du jour suivant et de commencer la grande œuvre.

On n’eut pas besoin de les appeler pour les faire lever ce matin-là et, bien avant l’heure de la soupe, ils rôdaient par l’écurie, la grange, la cuisine, le chari[1], afin de mettre de côté les bouts de planches et de ferrailles qui devaient grossir le trésor commun.

Les boîtes à clous paternelles subirent un terrible assaut. Chacun voulant se distinguer et montrer ce qu’il pouvait faire, ce ne fut pas seulement deux cents clous que Lebrac eut le soir à sa disposition, mais cinq cent vingt-trois bien comptés. Toute la journée, il y eut, du village au gros tilleul et aux murs de la Saute, des allées et venues mystérieuses de gaillards aux blouses gonflées, à la démarche pénible, aux pantalons raides, dissi-

  1. Remise, hangar.