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la guerre des boutons


– Frotte, mon vieux ! ricanait Camus qui les avait toutes trempées dans l’eau. Frotte ! ça t’amusera.

Las de frotter en vain, Zéphirin en chercha une dans sa poche, la frotta, l’enflamma et voulut allumer sa lampe à pétrole ; mais la mèche fut récalcitrante elle aussi et ne voulut jamais prendre.

Zéphirin par contre s’échauffait :

– Sacré nom de Dieu de nom de Dieu de saloperie de putasserie de vache ! Ah ! nom de Dieu ! tu ne veux pas prendre ! ah ! tu ne veux pas prendre, vraiment ! ah oui, c’est comme ça, eh bien ! tiens ! nom de Dieu ! prends celle-là, saleté, fit-il en la lançant de toutes ses forces contre son poêle, où elle se brisa avec fracas.

– Mais, il va foutre le feu à sa boîte, fit quelqu’un !

– Pas de danger, pensait Lebrac, qui avait remplacé le pétrole par un reste de vin blanc traînant au fond d’une bouteille.

Après cet exploit, le vieux, ambulant dans l’obscurité, heurta son poêle, renversa des chaises, donna du pied dans les arrosoirs, tituba parmi les marmites, beugla, jura, injuria tout le monde, tomba, se releva, sortit, rentra et finalement, fatigué et meurtri, se coucha tout habillé sur son lit où un voisin, le lendemain matin, alla le trouver, ronflant comme un tuyau d’orgue au milieu d’un