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la guerre des boutons


ce soir : pour une belle cuite, c’est une belle cuite !

Et quinze ou vingt paires d’yeux purent constater que, vingt pas plus loin, le vieux, méconnaissant encore les lois de l’équilibre, reprenait une de ces bûches qui comptent dans la vie d’un poivrot.

– J’suis pourtant pas saoul ! nom de Dieu ! bégayait-il en portant la main à son front bossué et à son nez meurtri. J’ai presque rien bu. C’est la colère qui m’a monté à la tête ! ah les salauds !

Il n’avait plus de genoux à son pantalon et il mit bien cinq minutes à trouver sa clef, ensevelie au fond de sa poche sous son ample mouchoir à carreaux, parmi son couteau, sa bourse, sa tabatière, sa pipe, sa blague et sa boîte d’allumettes.

Enfin il entra.

Les curieux qui le suivirent, au nombre desquels les huit moutards, constatèrent dès ses premiers pas un vacarme d’arrosoirs renversés. C’était prévu, ils les avaient disposés pour cela. Enfin, le vieux, s’étant frayé tout de même un passage, arriva au réduit creusé dans le mur où il logeait ses allumettes.

Il en frotta une sur son pantalon, sur la boîte, sur le tuyau du poêle, sur le mur : elle ne prit point ; il en frotta une deuxième, puis une troisième, une quatrième, une cinquième, toujours sans résultat malgré les changements de frottoirs.