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més et à laquelle on pouvait, à la rigueur, après de longues stations, arracher furtivement un morceau et s’enfuir, n’était pas apparue ; les bêtes du village s’entêtaient à ne pas périr. Goupil rôdait quand même au large des maisons : cependant il évitait avec soin celle de Lisée, et, malgré le désarroi de son cerveau, malgré son ventre vide, il s’enfuit plus vite la nuit où il entendit la voix de Miraut répondre au jappement d’un de ses compagnons de chasse qui lui signalait à sa façon la présence de l’habitant des bois.

Mais Renard ne mangeait toujours rien, et les jours passaient et le froid ne passait pas, et une faim plus féroce minait et dévorait les hôtes de la forêt.

Et lui, maintenant efflanqué, spectre épuisé, plus minable encore qu’après les jours d’emprisonnement de jadis, n’était plus qu’une pauvre loque de bête, travaillée par la fièvre, ballottant entre la mort et la folie, qui, ayant pris l’habitude de venir rôder autour du village, y revenait invinciblement, à heure fixe, sans savoir pourquoi, n’évitant plus les chiens, n’évitant même