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qu’il eût le temps de les voir disparaître Goupil, ahuri, restait seul dans la clairière déserte.

Alors le pauvre solitaire se mit à mordre, comme s’il était pris d’une irrésistible rage, le gazon de la clairière, et à hurler, à hurler désespérément en faisant sonner sans fin comme pour le rassasier ce grelot implacable, pendant que la lune en ricanant faisait tourner autour de lui l’ombre des arbres et que les oiseaux de nuit, attirés par ce bruit insolite, nouaient et dénouaient au-dessus de sa tête leurs cercles énigmatiques et sinistrement silencieux.

Le jour levant le surprit ainsi et avec les dangers qu’il portait en lui le rappela au sentiment de la conservation. Repris par le goût de la vie comme un convalescent après une crise terrible, il sentit peser sur lui tous les problèmes de l’existence et pour les solutionner à leur heure commença par se dissimuler dans un massif au centre du bois, où il dormit de ce demi-sommeil qui caractérise les traqués et les inquiets.

Et de longs jours ce fut ainsi. La vie de la