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Elle ne bougea pas, encore sous l’appréhension de son rêve mauvais, méfiante, angoissée, sentant l’impossibilité de fuir dans ce monde étrange, presque inconnu pour elle, et tant redouté de lumière et de nuit.

Mais deux mains la soulevèrent et, brutales, la jetèrent sur la table, face à la lampe, entre les verres à pied rougeoyant de liqueur, qui semblaient posés aux quatre coins de la table comme des bornes qu’elle ne devait pas franchir. Éblouie et folle de peur, elle se retourna pour fuir la clarté qui lui faisait mal, tandis que les hommes riaient bruyamment de son embarras et de sa souffrance.

— Viens boire un coup, Margot ! et un verre lui fut tendu.

Mais Margot fermait obstinément le bec et les paupières, sentant obscurément dans la raucité des voix un danger à redouter.

— Elle ne veut même plus de vin, cette gueuse-là, fit un ivrogne. Si on lui faisait prendre un marc !

Et aussitôt il présenta à Margot, dans un petit