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ou le bruit métallique des chaînes agitées par les bœufs réveillés dans leur sommeil.

Une forte odeur de chair parvient jusqu’à son nez : quelque bête crevée sans doute abandonnée là, et dont la putréfaction commençante chatouille délicieusement son odorat d’affamé.

Prudemment il va, rasant les murs de clôture, profitant de l’ombre des arbres, jusqu’à quelques sauts de l’endroit où il la devine gisant, masse brune sur la vierge blancheur de la neige. La maison d’en face dort profondément ; la baie tranquille d’une grande fenêtre semble attester de sa solitude ou de son sommeil.

Mais Goupil est soupçonneux. Mû par sa logique instinctive, il s’élance bravement à toute vitesse dans l’espace découvert, et passe sans s’y arrêter devant la charogne, les yeux fixés sur la fenêtre suspecte. Un autre que lui n’aurait rien remarqué ; mais le regard perçant du vieux sauvage a vu briller au coin supérieur d’une vitre un infime reflet rougeâtre, et c’en est assez, il a compris.

L’homme là derrière peut armer son fusil et se