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tive, d’un client dont elle se défiait toujours et dont elle craignait la masse pesante, s’ébranlant, en faisant trembler sur leurs étagères les tasses, les verres et les bouteilles dans un tintement étouffé et comme peureux.

Peut-être que les choses avaient peur aussi, puisqu’elles murmuraient et frissonnaient lorsque l’humain s’approchait en martelant le sol de ses gros souliers garnis de clous.

C’était par la fenêtre qu’elle voulait sortir ; un midi de mai ensoleillé elle lui fut enfin ouverte. Quand elle fut sur le rebord extérieur, changeant brusquement d’atmosphère, passant de la lourdeur maladive et empuantie de la cuisine à la pureté et à la fraîcheur printanières, elle éprouva une sensation analogue à celle qu’elle avait ressentie jadis en s’engouffrant dans la maison.

Déshabituée de la lumière, de l’air vif, de l’espace infini où elle voguait jadis, elle eut, en y rentrant, un éblouissement, une peur instinctive de revoir un monde oublié, lointain, presque étranger.