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Alors, sans se rendre compte de ce qui s’était passé, elle bondit en éployant ses ailes pour filer de nouveau et quand même, à tire-d’aile, vers la fenêtre ; mais ses ailes impuissantes, au contraire de l’accident de la mare, ne la soulevèrent pas ; elle retomba lourdement sur la table, aux éclats de rire plus violents de ceux qui l’entouraient.

En vain, et pendant longtemps, battit-elle ses deux moignons rognés, son corps ne se soulevait plus. Seules, ses pattes, restées solides, exécutaient le saut préliminaire, qui, si gracieux d’habitude, était ridicule et grotesque, et la pauvre mutilée agitait en vain sa tête, ses pattes, son corps, son cou, comme si elle essayait une danse douloureusement risible, sans autre résultat que de provoquer un déchaînement régulier et criard de rires exaspérants.

Alors elle se rendit compte que quelque chose était changé, qu’un abîme venait d’être creusé entre elle et la liberté, qu’elle ne pourrait plus ni voler, ni s’enfuir, qu’elle était irrémédiablement captive, et comme si un violent désespoir