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ressemblaient tous malgré leurs tailles différentes, leurs physionomies diverses et leurs costumes variés. Ils avaient tous pour elle la même odeur, ils frayaient avec son bourreau et se résumaient en une seule idée s’intensifiant : l’ennemi, le danger, la mort.

Le cercle des ennemis se mouvait avec elle ; il en sortait des tempêtes de cris, de rires, de paroles, effrayantes pour Margot, qui, ne comprenant rien au caquetage de ces gens, et chez qui, tout puissant, subsistait seul l’instinct de conservation, estimait en une généralisation brusque que ces cris, se rapportant à elle, ne pouvaient signifier que le désir et la volonté de la mettre à mort pour jouir de sa chair : ainsi avait-elle vu faire jadis aux voraces corbeaux, s’abattant dans un tumulte fantastique de cris sur une charogne à demi décomposée de bête, et sur un lièvre blessé, cerné, achevé à coups de bec et dévoré sur place. Il en était sans doute ainsi pour elle, et tout cri, parole ou rire, échappé d’une gorge humaine, faisait plus fort battre, sous son habit noir et blanc aux longues