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malgré l’éloignement, le danger appréhendé. Au loin, grandissant par degrés, énorme, monstrueux, l’humain approche, vingt fois plus haut que Margot, masse horrible, fantastique, dont les pas ébranlent le sol qui s’écrase en mottelettes, et font sur son passage destructeur un large sillon sombre entre les berges rutilantes des diamants évanescents de rosée, scintillant aux doigts fluets des herbes rases du gazon dégarni.

Il vient effrayant, rauque, soufflant comme un volcan son haleine chaude qui fume dans l’air glacé du matin, tel le tuyau de la cheminée de la chaumière ou la meule sylvestre du charbonnier de la coupe.

Il a sans doute un air effrayant, car Margot se ressouvenant des dangers anciens, oublie la douleur de son cou meurtri dans le choc formidable de frayeur qui l’emplit toute à sa vue. Ah ! le corps étiré de l’oreillard, la chute inerte des sœurs sous le plomb cinglant : c’est un danger semblable qui la menace, et, sans comprendre la mort, elle la sent venir dans ce pas lourd qui s’avance vers elle.