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Le soleil à l’occident s’enfonçait derrière un éperon pourpre de nuage. C’était l’heure de déserter la plaine solitaire et de regagner les bois. L’aïeule au loin rappelait. Et une à une, lentement, comme à regret Margot et les sœurs libres avaient pris leur essor, abandonnant là les prisonnières, qui, les voyant partir, agitaient plus violemment les pattes et battaient l’air de leurs ailes inutiles dans un désespoir de cris, assourdissant à entendre.

Sans doute elles narrèrent l’aventure à l’aïeule. Mais quand l’aube reparut et qu’elles revinrent à la mare, elles ne trouvèrent plus là que des plumes brisées et quelques os rongés qui attestaient un drame nocturne mystérieux et terrible.

Aussi, pour Margot et pour toutes les pies, la mare fut désormais maudite et jamais plus, même aux jours brûlants d’été, elles ne devaient accepter l’invite miroitante de sa fraîcheur pour y tremper leur bec et y lustrer leurs plumes.