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ses yeux ne pouvaient atteindre son sauveur inconnu qui s’évanouissait de son monde.

À peine réveillée de la léthargie qui l’avait envahie, elle ne se rendait pas compte de ce qui se passait, quand un heurt violent de tout son corps contre la terre sèche et craquelée l’aplatit brusquement, les pattes raidies dans la douleur, le ventre mou, écrasant les poumons dont l’air s’échappa avec un bruit de rot, tandis que l’intestin et l’estomac s’étalaient en dehors de sa gueule sur la langue large et charnue qui pivota sur sa charnière antérieure et fut crachée en avant, elle aussi, dans la violence du choc.

Le jour passa, les heures se traînèrent. Rana était toujours immobile, on l’eût pu croire assommée si, peu à peu, au bout d’un temps assez long, l’intestin, l’estomac et la langue, sous l’influence de forces intérieures invisibles, n’étaient rentrés d’eux-mêmes par la bouche pour reprendre leur place normale.

Lentement aussi, les poumons se remplirent ; Rana sembla se gonfler comme une baudruche dans laquelle le crépuscule aurait soufflé de la