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De la mort ainsi glissa sur elle, ou plutôt ce n’était pas encore de la mort, mais une vie passive, presque négative, une vie suspendue, non pas dans la quiétude comme au soleil de midi, mais cristallisée, pour ainsi dire, dans l’angoisse, car quelque chose d’imperceptible, comme un point de conscience peut-être, vibrait encore en elle pour la souffrance.

Puis il y eut un grand choc qu’elle ressentit vaguement au mouvement de ses pattes encore libres, et par degrés, lentement, sans autre cause, l’angoisse de la volonté annihilée diminua et s’évanouit pour ne plus laisser subsister que de la souffrance physique.

Le mouvement de déglutition qui l’entraînait dans le gouffre noir s’était arrêté de lui-même, les parois du gouffre, l’œsophage de la couleuvre étaient molles et sans ressort, les pattes de derrière de Rana pendaient, la tirant par en bas doucement. Alors elle les secoua pour chercher un point d’appui : rien ne résistait, elle se sentit glisser petit à petit sans se rendre bien compte de ce qui se passait, et, tout d’un coup, comme