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La gueule s’ouvrait ; la distance diminuait, la volonté de l’autre pesait plus dure et plus implacable, l’envahissait toute, disposait de tous ses nerfs, commandait à tous ses muscles, et préparait tout son être pour le but auquel elle tendait.

Rana ne voyait plus que le trou de la gueule, maintenant large ouverte, qu’un demi-pied à peine séparait de sa tête, et ses cuisses se rassemblaient sous son ventre.

Alors d’un seul coup, d’un seul bond, aussi précis et réglé qu’une trajectoire mathématique, elle se jeta la tête la première dans le gouffre.

La large gueule se fendit plus large encore, se dilatant progressivement. Rana ne sentait plus rien, tandis que son cœur vivace continuait à battre et que les pattes de derrière écartées s’agitaient encore faiblement hors de l’abîme, comme un dernier adieu à la vie.

Une bave gluante et tiède l’enveloppait, un mouvement lent et irrésistible l’entraînait impitoyablement vers des profondeurs.

Et tout se tut.