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Mais une espèce de sifflement dans les joncs, droit devant elle, la médusa subitement.

Laissant par derrière, parmi les lentilles vertes tapissant la mare en cet endroit, un sinistre sillage, comme si l’eau même eût éprouvé une répulsion invincible à le combler, une grande couleuvre, entre les portiques des roseaux, dressa sa tête plate, ses yeux fixes plongés en elle intensément.

Alors, le malaise qui avait empêché la grenouille de suivre instinctivement le geste des compagnes s’enfla en un engourdissement stupide qui la paralysait sur l’eau, les pattes de derrière allongées en rames immobiles la soutenant malgré elle de leurs nageoires écartées. La couleuvre la fixait de ses yeux ronds et fixes, sûre de sa proie qu’elle ne quittait pas. Son collier de couleur claire changeait du jaune pâle à l’orangé sous l’influence de l’émotion violente qui l’emplissait ; son dos et ses flancs verdâtres tranchaient à peine sur la couleur de la flore marécageuse que son ventre d’un noir bleuâtre frôlait en dessous.