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Sur la mare, le silence, comme à la veille d’une crise, bourdonnait plus lourd et plus haletant ; des signes imperceptibles semblaient transpirer des choses, qui disaient que la vie, lentement, par degrés, allait de nouveau tout ressaisir et tout entraîner dans son courant.

Rana sur sa feuille eut un clignotement. Donnait-elle par là, à la vie, le signal de recommencer — ou bien ce signal venait-il d’ailleurs, de la terre ou du ciel ? — Un vent tiède et léger rida imperceptiblement l’eau de la mare, un oiseau siffla ; le sol au lointain vibra de pas lourds dont frissonnèrent les sœurs aventurées dans les roseaux. La vie reprenait avec ses dangers et ses luttes sans qu’on pût préciser quel ressort invisible, se déclenchant dans le mystère, l’avait tirée de la somnolence où elle s’était enlisée.

Une grosse sauterelle verte aux longues antennes, telles des aigrettes coquettement rejetées en arrière, aux cuisses charnues, tomba les pattes repliées comme deux barres parallèles autour de son corps. Ses ailes fines aux