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dans l’attitude hiératique où l’avait immobilisée à Midi, reposait sur le socle d’une feuille flottante de nénuphar avec laquelle se confondait sa robe verte lamée d’or.

*

Rana avait déjà cinq ou six fois vu revenir la saison où le sang peu à peu s’engourdit comme sous la brûlure périodique de ce midi de plomb, et où une force mystérieuse la contraignait, avec toutes les commères, transies et muettes, à franchir la sombre forêt aquatique des algues vertes qui garnissaient le centre de leur domaine, pour chercher dans la couche marneuse des profondeurs l’asile d’hiver.

Cinq ou six fois, elle avait vu sa mare envahie avec les pluies d’automne par les hordes grasses des grenouilles rousses, aux tempes sombres, pèlerines de l’été, qui les délaissaient au printemps, après la saison de l’amour, pour courir les champs et les prés, en quête de sauterelles et de vermisseaux.