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d’un chariot retentit avec un aboi proche de chien humant leur fret dans le vent. Alors, au choc de ce bélier sonore, la tour de haine qui garde Roussard s’effondre et se disloque et il reste seul, épave mutilée de ce beau soir prometteur d’ivresses.

Mais le dernier rival mâle n’était plus à redouter, la suprême conspiration avait réussi, la haine des lapins était satisfaite.

Et Roussard mutilé, ivre-fou de souffrance et de peur parmi le silence de ce soir fatal, s’évada de la Combe aux Mûres et s’en fut à toute vitesse vers le buisson qui l’avait vu naître, dans le canton lointain d’où une meute enragée l’avait chassé un jour d’automne, comprenant trop bien maintenant pourquoi avaient quitté la combe ses grands frères au poil roux, avec qui il se frottait le nez en signe d’amitié, les nuits sans lune, par les sombres luzernes et les sainfoins odorants.