Page:Pergaud - De Goupil à Margot, 1910.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et les deux adversaires, face à face se poussaient jusqu’à l’âme les lances violentes de leurs regards tous deux fascinateurs et féroces. La lutte imminait, poignante, indécise encore, mais implacable et mortelle pour cette pâture jetée entre les deux, ce malheureux corps d’oiseau aux plumes ébouriffées d’un fiévreux et fantastique frisson, cette petite boule grise dont on ne voyait plus qu’un bec noir immobile, des yeux vagues et fous, et dont le cou semblait vouloir rentrer dans le corps pour échapper à la griffe qui l’étranglerait ou à la dent qui le saignerait ; pauvre loque vivante et souffrante dont sautait le cœur de violents battements qui faisaient pépier sous la frêle toiture de ses ailes les jeunes oisillons aveugles, inconscients du drame qui se déroulait au-dessus de leur tête.

Les regards des deux ennemis se froissaient comme des épées ; on eût dit qu’un lien invisible et tout puissant les rivait l’un à l’autre et que ce lien, se contractant progressivement, bandait par degrés leurs muscles pour la lutte, le bond fatal où ils allaient se saisir de toutes leurs