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de toutes ses sèves, où les grands baisers du soleil l’ont investie comme un amour victorieux et conquise et pénétrée toute, et où elle ne tend plus aux vivants sous ses ombrages captieux l’asile traître de son insidieuse fraîcheur.

Tout chantait en elle, mais sans rejaillir au dehors, tout y vivait d’une vie chaude et contenue, comme concentrée…

C’était parmi cette joie plénière qui semblait l’épanouir que Fuseline, ce matin, visitait les nids de merles des coudriers et des petits chênes pour sa repue quotidienne.

À la fourche d’un arbre où trois branches de moyenne grosseur nouaient leurs fibres ligneuses, enfoncé à ras de son nid, aplati sur les frêles corps à peine duvetés et rougeâtres de ses petits, un merle frissonnait éperdument, les plumes ébouriffées, la tête molle, les yeux hagards.

Un vertige fantastique semblait le dominer, une peur indescriptible tourbillonnait dans ses yeux.

Loin, en haut, comme suspendu dans la lumière, un oiseau de proie, un grand rapace