Page:Pergaud - De Goupil à Margot, 1910.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils commençaient solitaires et défiants un chant interrompu par de courts silences, un chant passionné, bruyant, têtu, varié à l’infini, comme pour forcer la venue du printemps ou que si chacun d’eux eût voulu éclipser son voisin et le contraindre au silence.

C’est alors qu’elle se glissait lente et souple sous les taillis et arrivait silencieuse au pied de l’arbre où s’égosillait le siffleur. Tant que chantait l’oiseau, saoul de sa propre voix, elle avançait, s’arrêtant quand il se taisait, grimpant sans bruit, redevenant immobile, abaissant, sur les rubis fulgurants de ses yeux ses lourdes paupières hérissées de cils, puis reprenant quand il recommençait, se collant à la branche, faisant corps avec elle, impossible à distinguer de l’ambiance.

Quand elle se sentait assez proche, qu’elle avait sondé la distance, dosé son élan, elle se précipitait d’un bond sur la bestiole dont le chant s’étranglait entre ses griffes en piaillement lugubre qui faisait aussitôt retomber la forêt dans le lourd silence de la nuit.