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Traînant son suaire jaunâtre et comme vieilli sur la grisaille morbide du paysage rustique, l’aube s’était levée, telle un spectre vengeur, ce jour d’hiver où Fuseline fuyant avait laissé sa patte fixée ainsi qu’une borne d’horreur entre les mains d’acier du piège tendu par l’homme.

Le long des haies larmoyantes, grises, sales comme d’immenses chrysalides qui se débarrassent petit à petit de leurs enveloppes, elle avait marché, elle avait couru, sans voir, sans savoir, d’une longue traite jusqu’à l’épuisement.

Alors, sentant fléchir son courage et ses pattes se dérober, elle avait été comme dégrisée de sa souffrance par cette douche froide que l’idée de mort, brusquement surgie, versait brutalement sur sa conscience suspendue, en même temps qu’un raisonnement irréfragable et spontané lui criait avec la brutalité d’un ordre : Si tu ne te reposes pas, tu vas mourir.